Du jamais vu, sous un ciel caniculaire.

950m au dessus du sol. Le variomètre s'agite.
950m au dessus du sol. Le variomètre s'agite.

C'était l'occasion ou jamais. Des températures caniculaires envahissent la France en ce 25 juillet, et je me rappelle encore de tous ces pilotes qui m'avaient vanté la canicule de 2003 et ses plafonds exceptionnels : "On avait fait des vols avec plus de 3000m de plafond en Bourgogne !!". J'avais déjà atteint cette altitude en plaine par deux fois : à St Florentin sous un ciel très orageux en 2011, et une autre à Issoudun, en onde de nuage en 2013, avant le départ d'une épreuve. 

 

Cette fois, il fait plus de 42 degrés au sol. Emmener les planeurs en piste le matin, vers 10h est déjà une épreuve en soi, tant la chaleur est étouffante. Sur TopMétéo, on prévoit alors des plafonds atteignant maximum 3400m dans l'après midi. Les conditions devraient être bonnes pour faire un circuit, mais personne ne veut faire de vol en double avec moi : "Je veux essayer de faire mon gain de 3000m en solo !!" m'a t-on répété plusieurs fois ! En effet... qui peut se vanter d'avoir obtenu son gain de 3000m et son badge d'Or en plaine de nos jours ? ;-) 

 

Me voilà parti en pégase pour un vol de 500km. L'objectif est simple, prendre beaucoup de plaisir... et retrouver mes sensations avec un planeur classe "club" avant le Championnat de France qui arrive à grand pas. 

 

La convection met un peu de temps à s'installer avec les fortes chaleurs. D'après OGN, personne n'a vraiment envie de décoller avant 13h dans le bassin parisien, de peur de rester bloqué à quelques centaines de mètres dans de faibles ascendances, alors que la température a atteint son maximum.  Décollage vers 13h30 et tout de suite un petit vario d'1.5 m/s qui me fait monter à 1000m, puis un autre à 1500m, une dizaine de minutes plus tard. Les thermiques sont étroits, il faut un peu travailler. Je pars vers l'est à la recherche de meilleurs plafonds, sous les premiers cumulus qui apparaissent au loin. Le plafond semble colossal sous les premières nuelles. J'annonce rapidement aux pilotes sur le point de décoller, que le gain de 3000m sera sans aucun doute possible, vers la forêt d'Othe, ou plus au sud de St Florentin, en dehors des Espaces Aériens de Paris. Il m'en faut, du temps, pour me décaler vers l'est, avant d'échapper aux Espaces aériens qui me bloquent à 1800m justement.. les thermiques sont très éloignés et deviennent très puissants. Sous 1500m, les varios chutent à -4m/s en transition.. je comprends vite que je vole dans la tranche "basse".. et qu'il serait plus agréable de monter !!

 

Direction Brienne le Château via Troyes, pour commencer à sortir des zones. Je plane jusqu'au km10 de Brienne, jusqu'à 500m sol pour croiser la buse qui me fera prendre 4 m/s.  La température diminue dans le cockpit.. c'est tout de suite plus agréable ! Je continue un peu plus ma route vers l'est, avant de prendre un cap Sud ouest, qui me permettra de rejoindre les lacs de la forêt d'Orient, puis d'enchaîner vers le sud de la forêt d'Othe et Auxerre. 

 

Sous cette rue de nuelles et petits cumulus, je croise le vario du jour.. 6.1m/s qui me permettra d'atteindre rapidement le niveau 115. Ce fameux niveau de vol au delà duquel nous ne pouvons pas accéder sans autorisation préalable d'un contrôleur aérien. En France,  aucun petit avion ne monte au dessus du FL100 pour cause de pressurisation et performances... et un planeur n'est pas sensé monter aussi haut dans des conditions normales. Même si ce n'est pas écrit sur nos cartes VFR, au dessus de 3485m (FL115) vous rentrerez dans une classe D et il est alors très compliqué (voir impossible) d'avoir l'autorisation de pénétrer la zone, car le traffic aérien est quasi essentiellement composé de trafics IFR (vol aux instruments), où les contrôleurs ont la responsabilité de l'anti-abordage. 


Attention aux Espaces Aériens ! Il n'y a qu'un seul endroit où l'on peut monter au dessus du FL115 en France, sans pénétrer une classe D, où l'utilisation d'un transpondeur est quasi-obligatoire : la LTA des Alpes. Une classe E, un espace libre et non contrôlé, pour tous les aéronefs jusqu'au FL195 (soit environ 6000m). Nos altimètres et GPS n'étant pas d'une très grande qualité, il est recommandé par les différentes fédérations aéronautiques, de se limiter à 5800m dans cette zone; notamment au Pic de Bure, où certains avions de ligne commencent leur descente vers l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry. 

 

ERRATUM : il existe également une LTA dans les Pyrénées, plus d'informations sur le sujet ici :

 http://s289271336.onlinehome.fr/dossiers_ffvv/files/120501__PRESSE_Volez_dans_les_Pyrenees_-_Volez_169.pdf


Revenons-en à ce beau thermique de plus de 6m/s me faisant atteindre rapidement ce niveau 115. Je me rends rapidement compte, que la base des nuages est plus haute que les 3400m annoncés par les sondages météorologiques. Mais alors, à quelle altitude peut-on monter aujourd'hui ?

 

Un contact avec le contrôle de Troyes puis Paris est nécessaire pour aller vérifier ce plafond historique, au moins une fois. Pas plus de 2 minutes de discussion, et une position précise, relayée par rapport au VOR de Troyes, présent à quelques kilomètres d'ici (cela peut-être utile d'avoir un point virtuel du VOR, ainsi que les NavBoxes "Bearing + Distance" sur votre Oudie !!) , me permettent une pénétration rapide de quelques minutes. Par chance, aucun traffic reporté jusqu'au FL135. Le ciel est libre : merci aux contrôleurs !!! Le relevé GPS relève une altitude de presque 4000m. Du jamais vu, en Bourgogne et Champagne. Tout simplement exceptionnel. 

 

Rappelons que nous pouvons, avant même le début d'un vol, estimer approximativement la hauteur de la base des nuages de convection (type cumulus), dans une atmosphère standard, grâce à la formule suivante :

 

h = (T-Td) * 400

 

Où T est la température, Td le point de rosée, et h la hauteur en ft (pieds) de la base des nuages.

 

En ce 25 juillet 2019, l'aéroport de Troyes reportait à 16:30 local, une température de 42 degrés pour un point de rosée de 11 degrés.

 

h = (42-11) * 400 = 12 400ft, soit un peu plus haut que le FL115.. tout proche des 3965m enregistrés.

Le vol de 500km, décrypté par SeeYou. Descente rapide vers le FL115, après l'autorisation du contrôleur.
Le vol de 500km, décrypté par SeeYou. Descente rapide vers le FL115, après l'autorisation du contrôleur.

Une superbe journée. Un super vol, pour se remettre dans le vol de plaine, et revoler en classe club avant le Pré-Mondial de Châlons.

Un beau record à battre, une prochaine fois en plaine, le jour où nous aurons des transpondeurs et où nous pourrons voler au dessus du FL115.. avec de l'oxygène évidemment !

 

Bons vols à tous, dans le respect des règles aéronautiques. Fly safe !

 

Antoine